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Dominique Lin

Dominique Lin

Écrivain - chroniqueur - Ateliers d'écriture


Les sentiers de l'exil, Françoise Bourdon, Calmann-Lévy

Publié par éditions Elan sud sur 5 Décembre 2015, 14:48pm

Catégories : #Chroniques livres

Presque un siècle après la promulgation de l’Édit de Nantes par Henry IV, en 1685, Louis XIV le révoque, entraînant pillages, persécutions, condamnations, exécutions des protestants qui refusent de se convertir. Une grande partie d’entre eux préfère l’exil vers des terres accueillantes telles que la Suisse, l’Allemagne ou l’Angleterre.

C’est là que commence le roman de Françoise Bourdon, Les sentiers de l'exil, en Cévennes, près d’Anduze où le mas Jéricho appartient à la famille Bragant depuis des générations.

Jéricho est cette terre promise, cette demeure idéale où se construit une histoire, une famille, pratiquement une légende. La famille y vit sereinement, presque en autarcie, grâce à la culture de fruitiers, de châtaigniers et de mûriers pour l’élevage des vers à soie. La religion protestante est très présente dans le quotidien. Les enfants naissent et les aïeux meurent sur le domaine comme une rivière coule sans fin. Tout pourrait aller pour le mieux, mais les Bragant sont protestants et les ennuis commencent.

Les dragons s’en prennent à Jéricho, symbole de la famille, symbole du temps, de l’immuable, de la tradition.

 

Pour avancer, et résumer un peu — car ce livre pourrait contenir plusieurs histoires tant le fond est riche —, la famille va éclater et chacun va suivre un chemin particulier. Qui restera, sera enfermé dans un couvent puis s’échappera sur les routes avec une troupe de comédiens, qui s’exilera en Suisse puis en Allemagne, ou en Angleterre, qui sera condamné aux galères à Marseille. Qui restera pour combattre les armées du roi…

Les nombreux personnages de cette famille suivent leur destin. L’histoire alterne entre guerre, résistance, amour, entraide, compassion, sérénité d’une nouvelle terre où les Bragant tentent non seulement de rebâtir un domaine, mais aussi de se reconstruire une histoire qui débute avec les générations qui arrivent.

 

Françoise BourdonLes comportements humains, malgré le temps qui passe, se répètent inexorablement. Les exodes liés aux massacres au nom d’une religion, liés à la dictature, au manque de travail ont jalonné le temps des hommes. Se reconstruire, retrouver des repères sans oublier ses racines, recommencer ailleurs en laissant tout derrière, terre, maison, biens, souvenirs, traditions… tel a été et sera encore le destin des peuples qui doivent fuir.

On trouve aussi dans ce roman le combat pour une terre, une religion, un mode de vie, avec les exploits guerriers, les massacres odieux, la délation, l’intérêt égoïste, mais aussi le soutien, la résistance, l’entraide, et surtout, le questionnement sur l’intérêt et la raison de tout cela. Où se situe la frontière entre le bien et le mal ? Doit-on mener un combat dont la nature devient aussi laide que celui de notre persécuteur ?

Chaque personnage de ce roman éclaire une facette de l’être humain pris dans la tourmente. Les forts, les faibles, les scrupuleux, les rêveurs, les utopistes, les besogneux, tous s’y retrouveront.

 

Ce livre est une ode à la fraternité, à l’entraide des hommes, à l’humanité.

Il résonne avec notre présent, celui du siècle, celui d’aujourd’hui.

Les sentiers de l’exil n’est pas seulement un cheminement extérieur. Il va bien plus loin. Tout homme chassé de son « paradis » se retrouve en exil et part dans une quête pour le retrouver.

 

Il faut souligner la richesse des détails, des modes de vie au quotidien de toutes ces strates de la société : rois, galériens, médecins, saltimbanques, paysans, soldats, pasteurs… C’est là toute la force des romans de Françoise Bourdon qui ne laisse rien au hasard, surtout pour ce projet auquel elle tenait, né il y a une bonne dizaine d’années. Si son éditrice a hésité à lui donner le feu vert, je peux lui dire aujourd’hui qu’elle aurait dû l’encourager, l’accompagner, lui dire bien avant : « Vas-y Françoise, on te suit ! »

Comme je l’ai dit à Françoise lors de notre rencontre à la librairie Elan Sud d’Orange ce vendredi 4 décembre 2015 : « On reconnaît un roman de qualité lorsqu’il résonne, lorsqu’il éclaire notre vision sur les comportements intemporels de l’homme pour nous renvoyer à nous-mêmes, quand l’auteur ne prend pas parti et laisse le lecteur libre de ses choix, de ses jugements de valeur. On reconnaît un bon livre lorsqu'on en sort grandi. »

Mais c’est là juste ma vision. Les sentiers de l’exil peut aussi n’être qu’un excellent roman historique, dans lequel le destin d’une famille est bouleversé par la révocation de l’édit de Nantes… allez savoir ?

 

Les sentiers de l'exil, de Françoise Bourdon, Calmann-Lévy
EAN : 9782702155776
Format : 150 x 230 mm - 496 pages
Prix TTC : 21.50 € - Parution : 19 août 2015

 

Résumé de l'éditeur :

Dans les Cévennes, à la fin du XVIIe siècle. Élie vit avec sa femme, Jeanne, et leurs trois enfants sur la terre de Jéricho, un domaine qui se transmet chez les Bragant depuis des générations. La révocation de l’édit de Nantes en 1685 est un séisme pour cette famille protestante. Les huguenots sont traqués et persécutés par les dragons du roi. Élie est chassé de sa terre, séparé de Jeanne, on lui arrache ses enfants. La famille est dispersée ; chacun doit faire des choix vitaux : abjurer ou fuir, se cacher ou résister…
Des sentiers de l’exil aux couvents catholiques, des cachots de Grenoble à une troupe de comédiens ambulants, des campements de camisards dans les Cévennes aux galères de l’Arsenal de Marseille, les Bragant sont happés dans un tourbillon d’aventures et de drames, pourchassés par la haine, mais sauvés par l’amour aussi… sans que jamais ne s’éteigne leur rêve de retrouver un jour Jéricho…

Les sentiers de l'exil, Françoise Bourdon, Calmann-Lévy
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