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Dominique Lin

Dominique Lin

Écrivain - chroniqueur - Ateliers d'écriture


Un Juste vient de partir, adieu Albert Cordola

Publié par Dominique Lin sur 2 Août 2017, 11:32am

Catégories : #amis

Je n’ai pas pour habitude d’écrire des nécrologies, mais lorsque quelqu’un a marqué votre vie par sa bonté, vous ne pouvez pas vous empêcher de partager certains sentiments, même si cela touche à l’inutile, mais allez savoir…

Hier, j’ai reçu un message électronique de Raymonde D’Isernia (au centre sur la photo ci-dessus), présidente de l’ADDIRP, fille d’un résistant de la guerre 39-45, fusillé à Valréas en guise de représailles. Un de ces épisodes malheureusement courants durant cette période. Donc, Raymonde d’Isernia, qui œuvre pour le souvenir de ces hommes vaillants, m’annonce avec regret le décès d’Albert Cordola (à gauche sur la photo), deux semaines auparavant dans sa maison de retraite à Montpellier.

Alors, pourquoi parler de lui, et pas d’un autre ?
Vous pourrez lire en bas de page son parcours durant la guerre, et vous commencerez à comprendre. Mais ce n’est pas uniquement parce qu’il était Résistant, qu’il a supporté Dachau et s’en est tiré que j’ai envie de parler de lui.

Je l’ai rencontré à propos de l’édition de Quelques passages de ma simple vie (disponible, s'il en reste auprès de l'ADDIRP), son livre sur son parcours de guerre, de résistance, d’emprisonnement et d’évasion. Déjà à cette période, j’avais capté en lui une bonté sans nom. Son regard me rappelait celui de mon père, ce qui m’a perturbé à plusieurs reprises. Nous avions travaillé à la réalisation de ce livre en toute complicité, comme si quelque chose nous aimantait, ou plutôt m’aimantait à lui.

Je l’ai rencontré à nouveau lorsque j’ai dirigé le livre collectif de témoignages 39-45 en Vaucluse. Il assistait à toutes les réunions à la Maison du Combattant, et prenait position lorsqu’il le fallait.
Un jour, la nièce d’un Résistant célèbre du Vaucluse a avancé l’idée de parler de la collaboration avec insistance. « Les procès ont eu lieu, il faut en parler ! », insistait-elle. Je m’y suis opposé, rappelant que si certaines personnes avaient mal agi durant cette période, sur la longue lignée du nom, c’est leur prénom qu’ils avaient sali. Et puis, comme elle insistait, j’ajoutais que j’avais du mal à imaginer un repas de famille durant lequel le livre ressortirait, avec quelqu’un qui dirait à un petit fils « Tiens, regarde, c’est ton grand-père qui est cité, un sacré salaud ! » Comme cette dame insistait encore, c’est Albert Cordola qui est intervenu en disant que j’avais raison, qu’il fallait arrêter de ressasser, qu’il fallait aller de l’avant, et savoir pardonner. Et puis, tous les procès n’ont pas été très clairs…
Une autre fois, j’évoquai l’idée de récolter des témoignages allemands, de ces hommes qui, comme les Français, étaient allés au champ de bataille sans partager les idées du nazisme. Tollé dans la salle de la part de quelques participants, dont à nouveau cette dame citée plus haut. Après quelques arguments de ma part restés sans écoute, c’est encore Albert qui avait pris ma défense, s’était opposé à cette curée primaire contre l’Allemand, comme s’ils n’avaient pas été des hommes eux aussi.
Lorsque le livre est sorti, j’ai été invité à quelques manifestations et rencontres pour le présenter. Albert était là, pour me mettre en avant, me remercier publiquement, ce que je ne comprenais pas. Chaque fois, je lui renvoyais le propos, car c’est bien lui qu’il fallait remercier, lui et tous les autres, vivants ou morts, ceux à qui nous devions tant, ceux qui avaient fait que nous puissions être là.

Ce ne sont là que quelques exemples marquants de la part d’un homme qui aurait pu en vouloir à la Terre entière et qui, pourtant, continuait, malgré son âge avancé, à parler aux collégiens, à participer à des manifestations pour le devoir de mémoire, mais pas le stérile, pas celui qui ne fait que prolonger une haine inutile, mais celui qui parlait de pardon, de reconstruction, de partage, d’humanité.


L’humanité… Albert Cordola aurait pu donner des leçons aux « grands » de ce monde, à ceux qui prétendent prendre en charge la destinée des hommes. Humanité et humilité, ce sont les deux mots qui le dépeignent le mieux et c’est sur eux que je veux terminer ce texte qui pourrait durer encore et encore. Un de ces héros ordinaires qui passent sur cette terre sans piédestal ni armure étincelante qui ébloui, à côté de qui vous pouvez passer sans le savoir…
Oui, je suis fier de vous avoir connu, cher Albert, comme tous ceux qui ont croisé votre route.

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Communiqué de l’ADDIRP

Association Départementale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes
Maison du Combattant – 12 rue Bonaparte – 84000 Avignon
www.adirp-vaucluse.fr – contact@adirp-vaucluse.fr


L’ADIRP DE VAUCLUSE EST EN DEUIL
Nous avons été informés du décès de notre camarade et Vice-Président Albert Cordola à la maison de retraite à Monptellier où il avait été transféré après des soucis de santé. C’est avec une très grande tristesse que nous avons appris l’impossibilité de lui rendre l’hommage lors de ses funérailles, sa famille ayant exprimé sa volonté de rester dans l’intimité.
Nous garderons le souvenir d’un camarade toujours jovial, d’une grande bonté et d’une fidélité exemplaire face à ses convictions.
Vice-Président de l’association départementale, Président des sections de Pernes-les-Fontaines, L’Isle-sur-la-Sorgue et Carpentras, il témoignait, inlassablement auprès des collégiens et lycéens de son parcours de Résistant-Déporté. Amateur de poésies, il déclamait volontiers les œuvres de Louis Aragon.
L’ADIRP de Vaucluse avait présenté un premier dossier pour obtenir la distinction de l’ordre national de la Légion d’Honneur en 2007, suivi d’un deuxième dossier réunissant plus de 50 signatures en 2008. C’est avec un grand bonheur que nous lui avons annoncé sa nomination au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur en date du 7 novembre 2014.
Le 20 janvier 2015, Albert Cordola recevait de M. le Préfet de Vaucluse cette haute distinction.
Nous rappelons le parcours d’Albert Cordola, qui participe dès 1940 à l’impression et à la diffusion de tracts appelant la population à résister. Arrêté à Grenoble par la police française le 9 mars 1941, il est interrogé et torturé, incarcéré à la prison de Grenoble, puis à Lyon où il est mis au secret. La maman d’Albert Cordola, accusée de complicité est détenue elle aussi pendant six mois. Le 3 septembre 1941, Albert Cordola comparait devant le tribunal militaire de Montluc. La peine de mort est requise, mais le tribunal le condamne aux travaux forcés. Transféré à la prison de Saint-Etienne, isolé pendant six mois, il restera en cellule avec d’autres détenus pendant 19 mois. Albert Cordola est ensuite conduit à la centrale d’Eysses, prison de Villeneuve-sur-Lot, où il participe à la tentative d’évasion du 19 février 1944, qui échouera. Il est transféré à la prison de Compiègne, d’où il sera déporté à Dachau dans des conditions extrêmement pénibles, sans eau ni nourriture, sous une chaleur écrasante. Albert Cordola survivra à l’enfer concentrationnaire nazi, bravant les appels interminables, le froid, la faim, les privations et les coups. Il sera rapatrié en mai 1945, affaibli et traumatisé à jamais par les souffrances endurées.
Repose en paix Albert, tes amis et camarades de la FNDIRP ne t’oublieront jamais.
Raymonde d’Isernia, Présidente — Alexandra Rollet, Vice-Présidente

#Albert_Cordola #Résistance #Dachau

Un Juste vient de partir, adieu Albert Cordola
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