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Dominique Lin

Dominique Lin

Écrivain - chroniqueur - Ateliers d'écriture


Le doux Parfum des temps à venir, de Lyonel Trouillot au théâtre à Avignon

Publié par Dominique Lin sur 6 Mars 2019, 14:24pm

Catégories : #Chroniques livres, #amis

J’ai eu la chance d’assister à la sortie de résidence de la dernière pièce de théâtre mise en scène par Christine Matos à la Maison de la poésie d’Avignon, Le doux Parfum des temps à venir, de Lyonel Trouillot.

On sait que ces premières représentations sont généralement encore un peu maladroites, brutes de résidence, mais là, j’ai pu ressentir toute la force des mots de l’auteur, la force du jeu des comédiennes et la qualité de mise en scène.

 

Un texte, fait de poésie, de profondeur et d’intemporalité !

Il nous raconte les dernières volontés et les ultimes conseils d’une mère à sa fille, avant de mourir, qui lui dit : « une femme libre est maîtresse de son essence ». Il y est question de passage, de transmission : que laisse-t-on lorsqu’on s’en va et, quand on naît à soi-même, que prend-on ou pas de ce qu’on nous a laissé ?

L’action n’est ni située dans le temps ni dans l’espace, ce qui renforce la portée universelle des mots. Les lieux évoqués sont la guerre, les haltes, l’errance dans des paysages désertiques, des cités délabrées, l’esclavage.

Cette mère dévoile une réalité très sombre de sa vie, de sa propre histoire cachée afin de préserver l’innocence de sa fille : « Ayant toujours vécu au bord des précipices, nous nous serons peu parlé. Et rarement dans le vrai ». La vérité qu’elle révèle est le témoignage d’une vie marquée par la violence : « J’ai vu la violence des hommes et celle des éléments. Et j’ai respiré l’odeur de la haine ». En colère et révoltée, cette mère dit à sa fille d’aller chercher sa liberté, d’aller à la conquête de soi : « Et tu marcheras seule vers la conquête de ton essence. N’oublie pas, mon amour. Le paradoxe du parfum, c’est qu’il libère ce qu’il capture. Capture la vie et libère-la ».

L’évocation d’un coffret dans ses dernières paroles rappelle la boîte de Pandore. Si Pandore répand les maux sur terre et retient prisonnier l’espoir, le coffret que la mère lègue ici à sa fille a une fonction particulière : « Et lorsque tu auras trouvé le doux parfum des temps à venir, tu le cacheras dans le coffret ».

 

crédit photos LEZARNUMERIK

Une mise en scène sobre, imagée où les personnages se confondent avec leur environnement.

Christine Matos, directrice de la compagnie KA-Théâtre, et dont c’est la quatrième pièce que je vois, m’a habitué à être surpris par ses mises en scène ayant pour points communs la simplicité de décor et la multitude d’accessoires, discrets pour les uns, criants pour les autres. Elle mêle souvent des disciplines autres, telles que la musique, les sons ou les marionnettes, élargissant ainsi le spectre de l’imaginaire du spectateur et donnant une plus grande dimension à la scène, parfois exiguë.

Traiter de monologues comme dans cette pièce ou d’introspection comme dans L’Ombre et l’errant, n’est pas une tâche aisée, mais Christine Matos réussit à chaque fois à surprendre, mais surtout à provoquer les émotions contenues dans les mots.

Je la cite à propos de son intention : Rendre visibles et sensibles toute la force, la sauvagerie, la poésie qui se dégagent de ce texte est pour moi une priorité. « Je voudrais que ce soit une parole de femme à femme, sans qu’on puisse dire que c’est une parole qui est née dans telle société, pour justement mettre l’accent sur la condition universelle des femmes ». Ce sont les propres paroles de Lyonel Trouillot à propos de son livre Le doux parfum des temps à venir.

En plus des nombreuses pièces mises en scène à Cuba, Haïti, El Salvador, et d'autres en France, Christine Matos est aussi l'auteur d'une pièce de théâtre, Un volcan sur les toits de Paris, la vie mouvementée de Consuelo Suncin, seule épouse de Saint-Exupéry, éditée chez Elan Sud, qu'elle a mis en scène en espagnol et en français.

 

Deux comédiennes pour servir les mots

Les comédiennes, Marie-Audrey Simoneau et Laure Donnat (chanteuse, auteure, compositrice) servent le texte de Trouillot d’une façon admirable. Présentes, fortes, expressives, elles donnent à leurs silences toute la tension et la poésie de la pièce. L’alternance des voix, qu’elles soient parlées ou chantées, souligne le relief des émotions de cette mère en quête de transmission de la vie à sa fille pour qui il est temps qu’elle arrête de mentir en lui contant une vie merveilleuse et de lui dire la « vraie » vie, celle de la souffrance, de la violence, mais aussi de l’espoir de trouver son propre chemin, et de le suivre… Les photos sur scène sont parlantes.

Prochain rendez-vous:

Je ne peux que vous inviter à découvrir cette pièce le vendredi 15 mars à 20 h 30, Maison de la poésie, 6 rue Figuière, à Avignon. Réservez vos places sans attendre au 04 90 82 90 66, car le théâtre n’accueille que 49 personnes. Après, il faudra attendre le festival d'Avignon et que d'autres théâtres l'invitent, ce qui ne saurait tarder, mais… qui sait ?

Un grand merci à Alain qui fait vivre la maison de la poésie, en proposant une grande diversité de spectacles et animations. Il souhaite ouvrir la poésie à tous les publics en la démystifiant, en évitant ses facettes obscures ou hermétiques et en lui faisant côtoyer des disciplines complémentaires. Théâtre, musique, littérature en sont d’excellents exemples…

Pour voir quelques extraits : LIEN POUR TEASER

Titre « Le Doux Parfum des Temps à Venir » Auteur LYONEL TROUILLOT - Texte édité chez ACTES SUD
Metteure en scène CHRISTINE MATOS, directrice de KA-THEATRE
Contact : christinematos1[at]gmail.com

crédit photos LEZARNUMERIK
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crédit photos LEZARNUMERIK
crédit photos LEZARNUMERIK
crédit photos LEZARNUMERIK
crédit photos LEZARNUMERIK

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