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Dominique Lin

Dominique Lin

Écrivain - chroniqueur - Ateliers d'écriture


Chronique: Vestiges d’une séparation, d’Aanchal Malhotra, éd. Héloïse d'Ormessson

Publié par Dominique Lin sur 2 Décembre 2021, 16:21pm

Catégories : #Chroniques livres

Vestiges d’une séparation, d’Aanchal Malhotra, est une longue suite de témoignages de personnes ayant vécu la partition indienne en 1947, suite à l’indépendance de l’Inde face à l’Empire britannique.

L'original de l’approche de l’auteur, est d’appuyer ces témoignages sur des objets (bijoux, objets du quotidien, ustensiles, photographies, livrets…) que les déplacés d’un côté comme de l’autre de la frontière ont pu sauver malgré l’urgence, la violence, la totale dépossession des biens.

Aanchal Malhotra, bien trop jeune pour avoir vécu la partition, se rend en Inde, au Pakistan, en Angleterre, entre autres, pour écouter les souvenirs enfouis, et pour certains jamais remontés en surface.

Comme lors des grands traumatismes de l’Histoire, certains rescapés n’ont rien dit. Enfants, petits-enfants découvrent parfois en même temps que l’auteure l’histoire de celle ou celui qui témoigne. Tout y passe, quitter la terre natale, quel que soit le côté de la nouvelle frontière, quitter une enfance, quitter l’innocence, à cause des violences, des viols, des massacres, des pillages, des insultes, puis l’exil… sujet éternel… parfois à nouveau l’horreur des camps de réfugiés, suivie du temps de tout reconstruire, de retrouver une identité à superposer sur l’ancienne, avec plus ou moins de bonheur.

Nous possédons tous des objets liés au passé, à l’enfance ou autre période, heureuse ou pas, que nous gardons précieusement. Cela peut être une assiette, une photo, une louche, une valise, peu importe, et ces objets ont une valeur primordiale à nos yeux, alors que pour toute autre personne, ce n’est qu’un objet voué à une fonction anodine. Ceux du livre ont été sauvés !

Cet inventaire, pas seulement d’objets, mais de parcours de vies, n’est pas sans rappeler la répétition des épisodes douloureux qui secouent le monde en guerre, en famine, en sécheresse. De mettre le doigt sur le détail de chaque vie permet de nous rappeler les souffrances de devoir partir, tout abandonner, sans l’espoir de retour.

Couverture originale en Hindi

La force de ce livre, c’est aussi la restitution intégrale des mots prononcés (pour certains en ourdou, en hindi, etc.), des attitudes et postures des témoins, mais aussi l’approche des ambiances décrites par l’auteure, habillant cet inventaire de sensations, d’odeurs, de lumières, souvent en demi-teintes, comme si la confession devait parfois se dérouler dans la pénombre, dans la pudeur face aux descendants présents. L’écriture est alors très douce, très tendre, à l’image du respect que porte Aanchal Malhotra à ceux qu’elle rencontre. Chaque histoire est précieuse, chaque histoire est unique, et l’auteure les pose dans son écrin poétique, contrastant avec la rudesse du récit.

Pour beaucoup de lecteurs européens, l’indépendance en août 1947 de l’Inde et la partition qui en a découlé avant et après est un fait d’Histoire méconnu. Nous y entrons par la petite porte, celle de l’humain subissant les décisions nationales et internationales, sans pouvoir agir, mais seulement subir. Cet épisode dramatique a révélé les comportements les plus sauvages de l’homme, comme chaque fois, partout dans le monde.

Il est bon de rappeler qu’entre 1947 et 1950, plus de 12 millions de personnes ont rejoint l’un des deux nouveaux pays.

 

Chronique précédente : Un été avec Fana, roman de Jean-Pierre Cendron, Elan Sud

 

#Inde #Pakistant #heloisedormesson #AanchalMalhotra #exil #migrations #émigration #chroniquelitteraire

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