Ce 10e roman d’André Bucher rompt avec les précédents, tout en gardant la prose poétique de l'auteur pour chanter la nature.
Le ton du livre est donné par le titre, renforcé par le tronc noueux de la couverture teintée de vert, et confirmé par le résumé de l’éditeur.
Tordre la douleur, dont la vie des personnages possède son lot de misères et de malheurs, commence dans les montagnes reculées de Bernie, forestier un peu solitaire. Son couple n’a pas survécu à la mort du fils. On rejoint rapidement ceux d’en bas où la mort frappe la mère de Sylvain et Solange à un rond point occupé par les gilets jaunes, où la main lourde d’Étienne vient encore une fois de trop frapper le visage d’Édith, sa compagne, qui s’enfuit du restaurant où elle vit et travaille avec son compagnon.
Le destin de ces personnages va tisser des rencontres entre regrets et espoirs, douleur et résilience.
Cette fois-ci, André Bucher « descend de sa montagne » pour aborder la situation sociale et politique, égratignant au passage nos dirigeants et le système actuel. Il aborde ici plusieurs sujets sociaux, tels que la révolte des gilets jaunes, le deuil prématuré et la maltraitance des femmes. Il ne s’arrête pas au malheur, mais poursuit vers la reconstruction et sa réussite grâce aux rencontres, à l’acceptation, à l’entraide.
En lisant le résumé, j’avais peur de tomber dans le glauque dont pas grand monde n’a envie en ce moment… mais l’auteur a su éviter le piège du pathos. Chaque personnage est bien planté (normal pour un forestier) et le jeu d’assemblage des caractères est finement ciselé dans leur évolution. Le titre est un peu fort et risque de repousser, alors qu’en réalité, cette histoire est lumineuse, partant du quotidien, malheureusement ordinaire pour certains, pour s’ouvrir, offrant à chaque personnage un peu de lumière.
Par certains aspects, j’ai trouvé ce roman plus ouvert que les autres où jalousie, rancœur, sournoiseries, secrets de famille et règlements de comptes habitaient les montagnes, et ayant sur moi une tendance à me sentir enfermé dans la forêt et les comportements ancestraux de paysans bourrus.
Cela ne m’empêchait pas d’apprécier l’écriture poétique d’André que l’on retrouve ici beaucoup plus aérienne, plus fluide encore, comme dépouillée malgré le poids de l’histoire.
Derrière un aspect sombre, une histoire lumineuse et très humaine… un nouvel André Bucher à découvrir.
Résumé de l’éditeur
Bernie et sa femme ne se remettront pas de la mort soudaine de leur fils. La douleur, insubmersible, a eu raison de leur histoire. À quelques encablures de là, Sylvain et Élodie jouent de malchance lors des premiers remous du mouvement des gilets jaunes : dans un accès de panique, cette dernière a mortellement renversé la mère du jeune garagiste, qui devra lui aussi composer avec le deuil. Plus bas dans la vallée, Édith fuit vers l’inconnu. Son compagnon a levé une fois de trop la main sur elle, mais le hasard la mènera sur la route de Bernie, ermite devenu sauveur. Dans ce nouveau roman, André Bucher déploie une galerie de personnages unis dans le chagrin lors d’une éprouvante période hivernale, où la douleur des êtres fait écho à celle des arbres. Mais le hasard des chemins des Alpes-de-Haute-Provence les rassemblera, leur offrant un espoir de guérison, une chance de tordre la douleur.
Chronique précédente : Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire, éd. Présence africaine
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